الثلاثاء، 7 ديسمبر 2010

Les dockers de Tunis au lendemain de la Première guerre mondiale : Abdesslem Ben Hamida

6Notre source principale, à savoir un ouvrage de Tahar Haddad nous fournit les indications suivante« La plupart de ces ouvriers viennent des différentes régions de la Régence et s'établissent dans la capitale. Ils travaillent au jour le jour. Ceux qui sont embauchés peuvent manger à leur faim, ceux qui ne le sont pas, ou qui ne peuvent travailler, demeurent tenaillés par la faim avec ceux qui sont à leur charge. C'est la raison pour laquelle “les caporaux” les embauchent à tour de rôle, selon les saisons, car il n'y a pas assez de travail pour tous les dockers en même temps(...) Il est rare qu'un jour se passe sans accidents...





Au fil des ans, les salaires des dockers augmentèrent graduellement pour atteindre en 1924 douze francs pour ceux qui travaillent sur le quai et quatorze francs pour les arrimeurs à l'intérieur des navires. Durant cette année-là la vie devint plus chère qu'avant et fut particulièrement dure pour les dockers qui, on le sait travaillent au maximum deux jours par semaine et ne recueillent comme fruit de leur labeur hebdomadaire, que 24 à 28 francs, puisqu'ils n'exercent pas d'autre métier par ailleurs ».2 
7Ainsi, la conjoncture est marquée par une aggravation de la précarité du statut social de ce groupe dont les membres n'arrivent plus à satisfaire leurs besoins vitaux et par la même d'assumer le devoir de solidarité envers les membres de même extraction. Les solidarités d'origine qui structurent cette communauté semblent donc à la fois menacées par absence de moyens mais aussi, de par leur nature, incapables de faire face à la nouvelle situation, au nouveau contexte dans la ville.
8Nous savons à partir de cette même source et de bien d'autres que le nombre de ces salariés tunisiens en été, qui constitue la haute saison, se situe entre 1.600 et 2.000 personnes. Ces dockers du port de Tunis, bien que n'adhérant pas aux centrales syndicales françaises, ont pris “l'habitude” au lendemain de la Première guerre mondiale de débrayer en été pour réclamer des améliorations de leur sort. Ce qui suppose une solidarité assez forte que les chercheurs attribuent au maintien des liens d'origine, - ils sont pour la plupart d'entre eux originaires du Sud de la Tunisie avec un noyau consistant issu d'un même village, El Hamma de Gabès-, mais qui semble avoir prouvé son insuffisance et ses limites.
9Cette solidarité a assez tôt attiré l'attention des chercheurs qui ont tenté d'expliquer ses causes. Ainsi, au milieu des années soixante, le sociologue Abdelbaki Hermassi qui a étudié la main d'oeuvre portuaire au lendemain de la guerre écrit :
 « Le stéréotype du docker est celui d'un homme dur, “grand buveur”, “plus fort avec ses poings qu'avec sa langue”. L'attitude de la population crée parmi les dockers un ressentiment et provoque l'agressivité et l'hostilité, ce qui a pour effet, de creuser le fossé entre les dockers et la société et de renforcer les liens entre les dockers eux-mêmes. »3
10Il note aussi que le recrutement se fait “en grande partie sur la base de relations de parenté ou de régionalisme4.
11Un chercheur en Histoire, originaire de Gabès, fait le même constat en 1971 en écrivant :
 « Les dockers se trouvaient exclus de la communauté européenne et tunisoise et vivaient en marge d'une société qui niait leur existence. Les dockers s'étaient donc repliés sur eux-mêmes et formaient une communauté fermée que ce soit au port ou dans leurs quartiers. »5
12Il rappelle que le docker était désigné par le sobriquet de “Bouchkara” (l'homme au sac), allusion au sac qu'il transporte sur son épaule pour la protéger. Ce qui atteste du mépris qu'éprouvait une frange de la société traditionnelle tunisoise pour ce misérable nouveau arrivé dans la ville.
13En somme, leur extraction rurale, la précarité de leur statut social et la nature même de leur métier qui n'attire pas les citadins, semblent constituer les principales composantes d'une marginalité qu'on retrouve sur le plan de l'habitat. En effet, une des caractéristiques connues de la sociologie urbaine de la ville de Tunis qui renforce sa prédisposition à marginaliser, réside dans le fait que, dans les faubourgs « les groupes ethniques ont tendance à se concentrer dans un même quartier ou au moins à se réunir dans un même café ».
14Une incursion dans les structures mentales de l'époque permet de prendre conscience du mur qui les sépare des élites citadines traditionnelles. En effet, pour certains groupes de la société traditionnelle tunisoise le travail n'est pas seulement une façon de gagner sa vie, mais aussi un art de vivre. Qui plus est, leur condition de salarié semble apparaître d'autant plus avilissante que le patron est un non musulman.
15Certes, sur le plan strictement économique les dockers occupent une position stratégique entre économie moderne et économie traditionnelle, ce qui les différenciera des arabatiers en 1937, qui sont alors menacés de marginalisation à cause de la concurrence des camionneurs. Ainsi, on est tenté d'affirmer que le risque d'exclusion est combattu grâce au rôle économique valorisé dans le cadre de la solidarité syndicale.
16La marginalité vécue par rapport aux valeurs de la société traditionnelle va être transcendée par une valorisation du travail, perceptible dans l'ouvrage de Haddad .

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